Vous êtes-vous déjà entendu dire les affirmations suivantes ? Je ne peux pas changer de métier à mon âge, j’ai fait cela toute ma vie. J’aimerais bien faire cela mais ça sera dans une autre vie. Je n’ai pas fait assez d’études pour m’engager dans ce domaine. Je ne peux pas courir cette course, je ne suis pas assez sportif (ve). Je n’ose pas aborder cette personne car elle risque de ne pas me trouver à sa hauteur. Je ne peux pas faire ça car on m’a dit que ce n’était pas pour moi. La vie serait tellement plus facile si on ne se posait pas autant de complications ! Et c’est cette leçon que souhaite nous transmettre Forrest Gump. Le bonheur est tellement facile d’accès si on sait garder notre âme d’enfance, si on ne suit pas toutes les croyances que l’éduction et la société nous ont inculquées et surtout si on écoute son cœur et son intuition intérieure !
Le film
On pourrait uniquement voir la comédie dramatique extrêmement bien interprétée par l’acteur principal, Tom Hanks. Celui-ci a inévitablement propulsé cette œuvre sortie en 1994 et réalisée par Robert Zemeckis. Mais je tiens à saluer l’auteur du roman dont le film est adapté, Winston Groom. Celui-ci a sorti le roman en 1986 et mêle à la fois sa connaissance sans faille de l’histoire des Etats-Unis, avec notamment la Guerre du Vietnam puisqu’il y est allé 4 ans pendant sa période de service, et des leçons de vie extrêmement bien amenées par le personnage principal, Forrest Gump. Le tout est saupoudré d’une pointe d’humour et de dramaturgie pour en faire une œuvre exceptionnelle ! A mon sens, celle-ci devrait être étudiée par les professeurs de Philosophie dans les lycées. Un film qui nous montre en toute simplicité comment on arrive au bonheur.

Sur un banc en attendant son bus, Forrest va conter l’histoire de sa vie à différents interlocuteurs. Il traverse non seulement l’histoire des Etats-Unis entre les années 50 et 80 en passant par la rencontre de figures marquantes comme Elvis Presley, Steve Jobs ou les différents présidents des USA, et va vivre presque plusieurs vies dans une vie. A l’image de la plume qui se pose à ses pieds au début et qui repart à la fin, Forrest va se laisser porter par ses envies du moment et réaliser la vie dont la plupart d’entre nous rêve. Malgré son handicap physique de son enfance et son QI peu élevé, il va vivre une vie extraordinaire, sera célèbre, gagnera beaucoup d’argent et deviendra le mentor de milliers de personnes. Et pour réaliser cela, il va nous livrer une clé fondamentale : il ne changera rien en lui, il respectera entièrement son être, écoutera son cœur en permanence et vivra l’instant présent à 200%.
« N’est stupide que la stupidité » : L’absurdité de l’identité selon Ludwig Wittgenstein.
Ludwig Wittgensein, philosophe du 20ème siècle, s’attaquait dans l’un de ses travaux à l’identité, que ce soit d’un point de vue purement sémantique que d’un point de vue certitude et évidence. Si je prends l’exemple de la phrase citée, qui décide ce qui est compris dans la définition de « stupide » ? Quels sont les contours exacts du terme ? A quelle chose ou personne pouvons-nous attribuer cet adjectif ? Ensuite si on l’attribue à une personne, qui définit que l’ensemble de cette personne correspond uniquement et essentiellement à ces attributs ? Et enfin qui connote cette affirmation en positive ou négative ? Si je prends la définition sémantique de stupide, il s’agit principalement d’être dénué d’intelligence. Lorsque j’attribue cet adjectif à une personne, on dit alors que cette personne est imbécile, ignorante, bête, abrutie… Qu’est-ce qui qualifie réellement l’intelligence ? De quelle sorte d’intelligence parlons-nous ? L’intelligence se voit-elle à l’oeil nu ? Et qui peut se permettre de juger et de qualifier quiconque de stupide ? Je trouve donc cette affirmation merveilleusement bien tournée car oui, au final, n’est stupide que la stupidité !

Aussi, je tiens à rajouter un petit point sur l’identification d’une personne que je trouve complètement absurde. Qu’est ce qui qualifie un être humain dans sa totalité ? La plupart du temps quand on se présente, on exprime son prénom (logique ! « Je suis Sabine ») et ensuite certains vont ajouter leur métier (pour la plupart : « Je suis comptable »), ou vont donner leur situation familiale (en général en 2ème position : « Je suis mariée et j’ai deux beaux enfants », ou parfois compléter leur profil avec leurs passions (comme par exemple : « Je suis couturière le week-end »). Au final, aucune de ces informations ne qualifie l’être humain en tant que tel et ne permet de connaître cette personne. Je n’ai jamais encore entendu une seule personne me dire : « Bonjour, je m’appelle Sabine, je suis une personne sensible, je trouve que je suis assez intelligente notamment pour mon métier de comptable. Je suis extrêmement émotive lorsqu’on aborde le sujet de la famille et plus particulièrement de mes enfants. Avant j’aimais beaucoup le sport mais depuis deux ans, j’aime lire et dessiner. ». Et j’adore donc quand Forrest Gump réplique :
Ce que je serai plus tard, je serai moi.
Pour compléter, lorsque la mère de Forrest Gump lui explique « Tu n’es pas différent des autres ». C’est une expression antinomique car au final nous sommes tous différents. Nous pouvons avoir certaines passions, certains aspects de notre vie en commun mais personne n’est comparable, personne n’est identique en tous points. Et enfin qu’est-ce qu’un être normal ou pas ? Qui décide de la normalité en ce monde ? Le monde est beau grâce à toutes ces différences, grâce à toutes ces cultures, grâce à toutes ces spiritualités etc. La différence est une richesse absolue.
« Maman disait toujours » : La puissance parentale et le rôle de l’éducation
La mère de Forrest est extraordinaire et si Forrest a réussi sa vie, c’est probablement parce que le socle de son éducation monoparentale a été fondamental pour son développement. La seule personne qu’il écoutera toute sa vie, c’est elle ! En expliquant avec des mots simples, en dédramatisant les situations les plus graves, en faisant tout ce qui est en son pouvoir pour ne jamais écarter son fils du système et avec beaucoup d’amour, elle va lui transmettre les clés du bonheur. Son rôle va aller loin car il révèle malheureusement quelques sordidités du système comme par exemple, l’intégration selon le QI dans une école ou encore le fait de payer (en monnaie ou là de son corps) pour outrepasser les règles.
La phrase culte qui restera de ce film est bien sûr :
La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
En effet, on ne peut prédire l’avenir alors autant vivre au maximum le moment présent. Mais dans cette phrase, il y a aussi le fait qu’à tout moment quelque chose ou quelqu’un peut se présenter et bouleverser intégralement nos plans. Ceci est bien illustré dans le chemin de vie de Forrest qui va suivre au final à chaque moment les opportunités qui vont se présenter à lui, comme des cadeaux de la vie, sans même réfléchir.
Un autre conseil précieux donné par la maman de Forrest est :
On doit faire de notre mieux avec ce que Dieu nous a donné.
La perfection n’existe pas mais nous avons tous un potentiel à développer. Chacun crée son propre destin. Les illustrations que j’aime beaucoup dans le film pour cela sont le fait que Forest se donne toujours à fond à l’armée pour la moindre chose, que ce soit pour faire le lit, pour laver le sol ou nettoyer une arme, il donne le meilleur de lui-même à chaque fois et c’est qui fait qu’on va le remarquer. Aussi, lorsqu’il va se lancer dans le marché de la crevette, il n’y connait pourtant rien mais il va passer à l’action, toujours et encore, jusqu’à ce que ça prenne. Pourtant son ami Bouba lui disait « La pêche à la crevette, c’est dur ». Cela ne l’a pas démotivé et les premiers échecs non plus. Il a fait au mieux avec ce qu’il avait, il a montré ténacité et il a réussi. Enfin, lorsqu’on l’interviewe sur sa réussite de course, il repense à ce qu’il était enfant, un petit garçon avec des jambes métalliques, un QI peu élevé, un foyer avec juste une maman et peu d’argent et il répond « Je ne croyais pas pour autant que cela me mènerait quelque part ».
« Forrest, tu ne sais pas ce que c’est que l’amour » : L’écoute du cœur
Et pourtant, Forrest nous montre à quel point l’amour peut nous permettre de nous dépasser et surtout que vivre dans l’amour nous permet de ne pas avoir mal, d’être dans la bienveillance avec les autres, de s’attirer des cadeaux et de se créer une vie merveilleuse. Qu’est-ce que l’amour ? Si je prends la définition sémantique, il s’agit d’un sentiment vif qui pousse à aimer, à vouloir du bien, à aider et à adopter un comportement particulier envers la personne ou la chose aimée.

Petit, Forrest rencontre Jenny dans le bus de l’école (scène qui nous montre d’ailleurs la dureté des enfants entre eux à l’école et qui contribue également à créer des schémas mentaux bloquants chez l’enfant). Jenny deviendra l’amour de sa vie, sa femme et la mère de son enfant. Jenny est également un personnage central dans le film car ses fêlures vont la rapprocher de Forrest Gump. C’est le seul qu’elle va réellement aimer, à qui elle va faire confiance mais ses schémas mentaux bloquants dus notamment à son enfance (le film aborde notamment la violence et la maltraitance des enfants au sein du foyer) vont l’emmener vers des chemins néfastes. Ce qui fait qu’elle va s’attacher à Forrest, c’est sa différence et c’est l’amour qu’il lui apporte, le regard qu’il porte sur elle, la chaleur qu’il lui procure et la tendresse qu’elle n’a jamais eu. Malgré cela, elle lui reproche de ne pas savoir ce qu’est l’amour alors qu’encore une fois la situation est inversée. Au final, c’est grâce à lui et à la transmission de ses gênes à son fils qu’elle va guérir de ses propres démons.
Lors de la guerre du Vietnam, Forrest va se faire deux amis et notamment Bouba, qui pourrait lui aussi être identifié comme « différent ». C’est probablement ce qui va les rapprocher au départ. L’amour fait partie de l’amitié et il nous est montré dans le film la profondeur des liens du cœur notamment en amitié. Bouba va être considéré comme un frère par Forrest. Il va l’écouter, l’aider, le soutenir, et rester à ses côtés. A tel point que lorsque Bouba sera touché par une balle au Vietnam, Forest affrontera les missiles et risquera sa vie pour aller le retrouver et l’accompagner dans ses derniers instants. Plus tard, il partira réaliser le rêve de son ami en investissant dans un bateau de pêche à la crevette et subviendra financièrement à sa famille avec les bénéfices récoltés. Si ça ce n’est pas de l’amour et de la vraie amitié !
Toujours à la guerre, Forrest rencontre le Lieutenant Dan. Et là, Forrest nous montre qu’à force d’apporter de l’amour à une personne (même quelqu’un qui nous repousse, ou quelqu’un qui pourrait être méchant), celui-ci va changer petit à petit et finir par comprendre qu’il vaut mieux être dans l’amour que dans la colère ou dans la haine. L’amour permet de guérir les blessures, qu’elles soient physiques ou morales. On peut surmonter tous ses problèmes, toutes les émotions négatives, tous les soucis grâce à l’amour. L’amour amène au pardon.
Je pourrais qualifier cette comédie d’anti-intellectualisme que ce soit sur le fond comme sur la forme. Je ne me lasserai jamais de la visualiser pour me remémorer les messages que l’auteur et le réalisateur ont voulu nous faire passer. C’est un film qui fait du bien ! Au final, pourquoi toujours chercher une raison, une explication, un sens à sa vie ? Pourquoi ne pas juste suivre ses envies du moment, son cœur et son intuition ? Le meilleur moment du film est la scène où Forrest s’arrête de courir après des mois et des mois à parcourir le monde avec des milliers de personnes qui vont le suivre pensant qu’il défend une cause dans le monde. Au moment où il s’arrête, tout le monde derrière lui fait silence et attend qu’il parle et donne ainsi une explication. Et bien non, il n’a juste plus envie de courir, donc il va arrêter et il va passer à autre chose. C’est vrai, pourquoi continuer à faire quelque chose si on a plus envie de le faire ? La vie change, nous changeons et rien n’est figé dans le marbre. Avec simplicité, légèreté et humour, ce film met les larmes aux yeux aux âmes émotives et ne vous laisse pas insensible tant il s’y dégage beaucoup d’amour.